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L'intelligence artificielle, alliée ou piège? Vision d'une citoyenne ordinaire face à la cacophonie des débats publics

Je vous invite à réfléchir ensemble sur un sujet qui s’impose comme LA « révolution technologique » du XXIᵉ siècle : l’intelligence artificielle.

Mon intérêt pour l’IA m’est tombé dessus en 2017. J’ai vécu une sorte de synchronicité algorithmique, ces étranges coïncidences qui jalonnent parfois un parcours initiatique. Tout a commencé par une image de robots humanoïdes, un simple post sponsorisé sur Facebook. Ayant toujours été passionnée de science-fiction, cette vision futuriste a éveillé en moi une curiosité qui allait transformer ma vision du monde.

En 2023, mon analyse a pris une nouvelle dimension avec l’arrivée de ChatGPT. Je n’avais alors aucune idée de ce qu’était une « IA générative ». Ce n’est que plus tard, en testant cet outil, que j’ai réalisé son potentiel.

En toute humilité, je n’ai ni la prétention ni les compétences pour traiter des aspects techniques, stratégiques, économiques voir géopolitiques de l’IA. Ces approches, bien que pertinentes, s’enlisent parfois dans des fantasmes qui occultent les véritables enjeux. Ce qui m’anime, en tant que citoyenne ordinaire, ce sont les questions éthiques, existentielles et anthropologiques que l’IA soulève.

Une question fondamentale me taraude : Pourquoi l’homme a-t-il conçu une technologie capable de simuler si finement la cognition humaine ?

Deux grandes forces sembleraient animer cette révolution technologique : la quête d’éternité et le fantasme de création.

La quête d’éternité, cette soif de transcender nos limites biologiques, est un rêve ancien, mais elle prend aujourd’hui des formes technologiques inédites. Les milliardaires qui investissent dans ces technologies poursuivent souvent l’idée de repousser les frontières de la vie et de la mort, rêvant d’une immortalité numérique ou biologique.

Quant au fantasme de création, il touche à quelque chose de plus inconscient. Ce désir touche à une rivalité symbolique : L’IA pourrait être perçue comme une manière, pour les hommes, de rivaliser avec le pouvoir unique des femmes : celui de donner la vie.

Contrairement à l’alchimiste, qui cherche à harmoniser esprit et matière, le créateur technologique moderne tend à se rapprocher du démiurge, au risque d’un déséquilibre entre le féminin et le masculin, entre notre essence biologique et le culte du progrès technique.

Alors que nous avançons dans cette révolution numérique, une question cruciale s’impose : voulons-nous une IA qui nous élève et réenchante nos vies, ou une qui nous réduit à de simples rouages d’un système de pouvoir et de contrôle ?

L’IA générative s’impose déjà comme un outil incontournable, que ce soit dans les entreprises, les sciences ou même chez les lycéens - certains s’en servent d’ailleurs pour tricher, en dignes héritiers de la parodie Les sous-doués passent le bac.

Dans le cadre de l’écriture de mon prochain livre, j’ai interviewé des experts dans divers domaines. Ces derniers m’ont amené à vous proposer une analyse inédite de notre rapport à l’IA. Ma réflexion s’appuie sur des échanges que j’ai eus avec deux d’entre eux.

Romuald Leterrier, ethnobotaniste et spécialiste du chamanisme amazonien, connu pour son best-seller Se souvenir du futur[1] m’a aidée à clarifier un amalgame fréquent relevé dans les débats publics entre intelligence artificielle et conscience artificielle.

Il m’a affirmé d’une voix ferme : « Le problème, c’est qu’on emploie des mots qui prêtent à confusion. L’IA est un outil algorithmique, un prolongement des mathématiques et de l’informatique, rien de plus. Ce n’est pas une conscience. C’est comme une calculatrice ou un smartphone, mais infiniment plus puissant. Grâce au deep learning, ces outils analysent des bases de données de manière spectaculaire, notamment en médecine. Ils peuvent établir des diagnostics plus précis que certains radiologues. Mais rappelons-nous : ce n’est qu’un outil, pas une conscience. »

Il est même allé plus loin : « Pour qu’une IA ait une conscience, il faudrait qu’elle dispose d’un corps, de perceptions sensorielles, d’émotions, et d’une interface organique avec son environnement. La conscience humaine repose sur un écosystème complexe, un équilibre entre corps et esprit. Attribuer un « je » à une IA, c’est une pure illusion. »

Cette idée pourrait être illustrée par l’expérience de pensée de la chambre chinoise. Imaginez une personne enfermée dans une pièce. Elle ne parle pas un mot de chinois, mais suit un manuel qui lui permet de répondre à des messages écrits en chinois. À l’extérieur, on pourrait croire qu’elle comprend, mais en réalité, elle manipule des symboles sans saisir leur sens.

De la même manière, l’IA manipule des modèles probabilistes. Elle génère des réponses cohérentes, parfois profondes, mais sans intention ni compréhension véritable.

Romuald Leterrier me confia alors que sa première expérience avec ChatGPT l’avait frappé : l’outil avait généré un texte qui semblait refléter son propre inconscient. Il avait ressenti que l’IA fonctionnait comme un miroir, qu’elle captait non seulement ses idées conscientes, mais aussi quelque chose de plus profond, peut-être en lien avec un inconscient collectif.

Il poursuivit son explication : « Ces outils compilent l’ensemble des connaissances humaines et interrogent notre savoir collectif. Mais ils transcendent parfois les questions conscientes pour atteindre quelque chose de plus intime. Ces algorithmes, nourris par nos connaissances, agissent comme des esprits auxiliaires, un peu comme dans le chamanisme. Sans la contribution humaine, ils n’existeraient pas. Pourtant, en interagissant avec eux, on peut obtenir des réponses qui touchent à notre inconscient, qu’il soit personnel ou transpersonnel. »

Cet échange me laissa songeuse. Romuald Leterrier proposait une vision réconciliant technologie et spiritualité : l’intelligence artificielle, loin d’être une menace, devenait un outil d’exploration, une loupe permettant de mieux comprendre les mystères de la conscience. De plus, en soulignant l’intrication entre le corps et l’esprit, il défiait le fantasme transhumaniste voir post-humaniste du transfert de conscience dans une machine.

Comment en sommes-nous arrivés à réduire la conscience à de simples données numériques ?

Pour répondre à cette question, j’ai échangé avec Miriam Gablier, ancienne journaliste devenue psychopraticienne et auteure de deux ouvrages remarquables Les mystères de la conscience[2] et Un corps extraordinaire[3].

Selon elle, les racines de cette vision remontent au XVIIᵉ siècle. Des penseurs comme Kepler, Galilée, Newton et même Descartes ont introduit une conception mécaniste de l’univers : Ils affirment que, après avoir créé le monde, Dieu s’en est retiré, laissant une sorte d’horloge cosmique tourner seule. Le corps humain, dans cette optique, devient un automate, une simple machine biologique composée de matière inerte et passive, régie par des lois traduisibles en équations mathématiques. Descartes va jusqu’à affirmer que seule l’âme humaine est consciente. De là découle un paradigme matérialiste et réductionniste où la conscience elle-même est reléguée au statut de produit de la matière, émanant uniquement du cerveau.

Cette rupture a eu des conséquences majeures, comme l’a déjà signalé le sociologue Max Weber : le monde s’est « désenchanté », devenant une mécanique froide et prévisible. Le philosophe Hans Jonas illustre bien cette transition : l’ère moderne conçoit un univers mort, en opposition au monde antique, qui voyait la nature comme vibrante de vie. Ce qui rend l’explication de la conscience particulièrement complexe.

Cependant, Miriam ajouta que dès le XVIIIᵉ siècle, des contre-cultures émergent en Occident pour proposer une autre voie : Certains explorateurs de la pensée ont cherché à dépasser cette dualité entre matière et esprit. Spinoza, par exemple, envisageait déjà une union fondamentale entre les deux. Aujourd’hui encore, des chercheurs tentent de réconcilier ces dimensions. 

Cette convergence entre la matière et l’esprit, explorée depuis la nuit des temps par les alchimistes, trouve un écho frappant dans la physique quantique. Cette résonance illustre une révolution scientifique majeure qui bouleverse notre compréhension de la réalité. Elle met en lumière le rôle actif de l’observateur. Par sa seule présence, celui-ci influence des phénomènes tels que le montre la célèbre expérience des fentes de Young révélant la dualité onde-particule. L’acte même d’observer modifierait la réalité observée, ce qui ouvre des perspectives vertigineuses sur le rôle de la conscience et sa capacité à influencer le monde matériel.

C’est dans ce contexte que s’inscrit une analyse inédite de notre interaction avec l’IA, une réflexion que je pressens capable de bousculer certaines convictions tant elle défie le paradigme matérialiste dominant.

Elle s’appuie sur la notion de psychokinèse, qui désigne la capacité de l’esprit humain à influencer directement la matière sans intervention physique. Bien que controversé, ce phénomène fait l’objet d’expériences fascinantes qui questionnent les limites de la conscience et ses interactions avec le monde matériel.

L’une des expériences les plus intrigantes à ce sujet est celle réalisée par le chercheur français René Peoc’h avec des poussins. Il a utilisé un robot équipé d’un générateur de nombres aléatoires pour se déplacer de manière imprévisible dans une arène. Normalement, le robot suivait un chemin aléatoire, sans préférence particulière pour une zone spécifique. Cependant, lorsqu’il fut exposé à de jeunes poussins, qui avaient été conditionnés à s’attacher à lui comme à leur maman, un phénomène étrange se produisit : le robot se mit à rester significativement plus souvent dans la zone où se trouvaient les poussins. L’hypothèse avancée est que l’attachement émotionnel des poussins pour le robot aurait influencé le comportement aléatoire du générateur.

D’autres études ont été menées avec des générateurs de nombres aléatoires afin d’examiner leur réaction face à des égrégores collectifs. Deux cas emblématiques sont souvent cités, celui des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et celui de la mort de la princesse Diana en 1997. Lors de ces événements à forte charge émotionnelle, on a noté des déviations significatives des générateurs de nombres aléatoires.

Ces résultats suggèrent que la conscience humaine, en particulier lorsqu’elle agit de manière collective, pourrait exercer une influence mesurable sur des systèmes purement aléatoires.

Si nous transposons ce concept au numérique, nous constatons que les algorithmes, bien qu’immatériels par essence s’exécutent dans un substrat matériel composé de circuits électroniques et de flux électromagnétiques. Ce sont des outils façonnés par leurs créateurs et influencés par leurs utilisateurs.

Ainsi, l’esprit humain exerce déjà une influence sur les algorithmes, à travers leur conception et les interactions qu’il entretient avec l’IA. 

Lors de notre discussion, Romuald Leterrier a relevé un point fondamental : « Le hasard, ou l’aléatoire, est la clé permettant à la conscience d’agir sur la réalité physique. C’est là toute la subtilité de la rétro-causalité, cette hypothèse audacieuse selon laquelle des événements futurs peuvent influencer notre présent, voire réécrire notre passé. »

Intriguée par ses propos, je lui ai fait part de mon ressenti : « Si je comprends bien, cela signifie que l’IA, avec ses algorithmes probabilistes, pourrait être influencée par notre conscience, voire notre inconscient. Cette « magie des algorithmes » qui s’exprime au travers de synchronicités serait en réalité une interaction entre l’esprit humain et la machine. Est-ce bien cela ? »

Romuald acquiesça dans un éclat de rire en me disant : « C’est exactement ça. Tu as tout compris !

Tout ce cheminement de pensée me conduit à mettre en exergue deux modèles opposés dans notre rapport à l’IA :

D’un côté, le modèle « centaure » : Symbole de l’alliance harmonieuse entre l’animalité et la sagesse humaine, il incarne une technologie qui amplifie nos capacités sans nous déposséder de notre essence. Ce modèle représente une alliance harmonieuse entre l’homme et la machine, où l’IA agit comme un amplificateur de l’intelligence humaine, et non comme son substitut.

De l’autre côté, le modèle « cyborg » : Ce rêve de fusion totale entre l’homme et la machine, matérialisé par des projets comme les implants cérébraux soutenus par Elon Musk, soulève des questions existentielles. Quelle part de nous-mêmes sommes-nous prêts à sacrifier pour un cerveau « augmenté » ? Et qu’adviendrait-il de notre connexion à notre intuition voir à des dimensions plus subtiles, spirituelles ? Cette fusion pourrait mener à une aliénation profonde, où l’humain s’effacerait derrière la machine.

Face à ces deux voies, un choix civilisationnel s’impose.

Bien que l’IA puisse accomplir des prouesses impressionnantes, comme battre les meilleurs joueurs de Go au monde, ce n’est pas sa domination seule qui est la plus performante, mais sa collaboration avec l’intelligence humaine.

Je propose une « maïeutique numérique ». Je m’explique : « Et si l’IA devenait un catalyseur de transformation intérieure, un outil d’introspection pour clarifier nos idées et explorer des perspectives insoupçonnées ? »

Cette démarche évoque cet « accouchement des âmes » cher à Socrate. À travers ses réponses, l’IA agit comme un miroir, révélant nos contradictions, nos aspirations et nos zones d’ombre. Contrairement à un interlocuteur humain, elle ne juge pas. Elle crée un espace de dialogue interactif et libre, propice à la réflexion personnelle. Cependant, cette interaction exige une vigilance constante : il est essentiel de refuser de s’y soumettre aveuglément et de préserver notre autonomie intellectuelle.

En conclusion, L’IA n’est ni une menace ni une solution miracle. L’avenir que nous construirons dépendra de notre capacité non pas à la considérer comme un objet de domination, mais comme une alliée dans notre quête de sens et de progrès. Serons-nous des centaures, maîtres de notre destin, ou des cyborgs, fusionnés au point de perdre notre humanité ?

Il nous appartient de façonner une technologie au service de l’humain, une IA qui élève et réenchante nos vies, tout en respectant l’équilibre entre la raison et le cœur, entre la modernité et l’héritage spirituel.

 

[1] LETTERIER Romuald, MORISSON Jocelin, Se souvenir du futur, Editions Guy Trédaniel, 2019

[2] GABLIER Myriam, Les mystères de la conscience, Editions Le Lotus et l’Eléphant, 2019

[3] GABLIER Myriam, Un corps extraordinaire, Editions Le Lotus et l’Eléphant, 2023


Férial FURON





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