Dans l’imaginaire collectif, la chevalerie incarne l’honneur, la droiture et l’engagement. De même, les cercles spirituels et initiatiques se présentent souvent comme des sanctuaires de savoir et d’élévation. Pourtant, lorsqu’ils sont détachés de toute contrainte historique, morale ou même simplement cohérente, ils se transforment en un théâtre d’ombres, où la mise en scène importe davantage que le fond.
Là où devraient régner la discipline et l’accomplissement, on ne trouve souvent que vanité exacerbée, usurpation et inaction. Pire encore, certains de ces cercles, s'autoproclamant détenteurs d’une sagesse supérieure, deviennent des terrains de manipulation où de pseudo grand-maîtres distribuent honneurs et distinctions sans fondement, à seule fin de renforcer leur influence et d’assouvir des intérêts personnels, qu’ils soient égotiques, mercantiles, sexuels ou plus troubles encore.
Dépourvus de toute nécessité de prouver leur valeur, certains individus se créent ainsi de toutes pièces des légendes personnelles. Se drapant dans des titres ronflants, ils transforment leur entourage en cour de flagorneurs, où la reconnaissance se gagne non par l’action, mais par la servilité et l’admiration aveugle.
Dans ces cercles, le mérite n’a plus sa place. L’important n’est pas de comprendre ni d’agir, mais de savoir se positionner, d’affirmer son importance et d’écraser toute contestation sous une avalanche de formules creuses et de discours sentencieux. Plus un titre est long, plus il impressionne. Plus un rituel est abscons, plus il est jugé “profond”. L’apparat devient le substitut du savoir, et la prétention remplace la quête de vérité.
Dans ce monde d’illusions, l’autorité se maintient par l’octroi de babioles et de titres aussi inutiles que clinquants. Rubans, médailles, diplômes aux sceaux pompeux, amulettes “chargées d’énergie mystique” : autant d’objets distribués comme des preuves de reconnaissance, mais n’ayant d’autre valeur que celle que leur prête un public naïf ou complaisant.
Derrière cette mascarade, l’objectif est double : maintenir l’illusion d’un ordre structuré et acheter l’allégeance des membres. Ceux qui reçoivent ces parures creuses se sentent valorisés, croyant gravir des échelons imaginaires, tandis que ceux qui les distribuent consolident leur emprise sur une communauté où le questionnement devient un acte de rébellion et d'exclusion.
Mais ces jeux de titres et d’insignes ne sont pas toujours innocents. Sous le couvert de la tradition et de la fraternité, certains usent de leur prestige artificiel pour obtenir une reconnaissance sociétale et des faveurs inavouables tendant à nourrir un égo manipulateur exacerbé occultant un niveau d'ignorance pathétique doublé d'une pauvreté pathologique de conscience. Derrière un verni de noblesse, on retrouve toujours la même vieille exploitation : celle de l’ego des uns au profit des désirs des autres.
Dans ces structures, on parle beaucoup, on célèbre énormément, mais on agit rarement. Le temps est consacré aux cérémonies creuses, aux discours redondants et aux publications absconses. Loin d’être des laboratoires de savoir ou de vertu, ces cercles s’enlisent dans une immobilité prétentieuse, où l’inertie devient un mode de vie.
Dans les groupes pseudo-spirituels ou initiatiques, c’est le même schéma. Le "grand éveil” promis ne vient jamais, les révélations ne sont que des redites dénuées de substance, et la “quête de vérité” se résume à un empilement d’éléments de langage vides de sens. L’apprentissage réel est absent, car il impliquerait un effort. Mieux vaut préserver la fiction d’un cheminement initiatique, où chacun peut se croire exceptionnel sans jamais avoir à remettre en question son ignorance.
La chevalerie, la spiritualité et l’initiation devraient être des voies d’excellence, où l’individu se dépasse par la discipline et la recherche d’un savoir véritable. Mais dans de nombreux cercles fantasmés, elles deviennent des refuges pour l’inaction, des échappatoires où l’on se drape de grandeur sans en assumer les responsabilités.
Peut-être faudrait-il se souvenir que la véritable noblesse ne se proclame pas, mais se prouve. Que la sagesse ne s’achète pas à coups de médailles, mais se construit par la réflexion et l’apprentissage. Et que ceux qui se proclament maîtres sans avoir rien accompli ne sont que les souverains d’un royaume illusoire, bâtis sur du vent et destinés à s’effondrer sous le poids de leur propre insignifiance.
Dans une philosophie éclairée, l'éveil ne s'obtient que par l'action car la conscience ne s'élève que par l'expérience opérative du travail individuel et collectif.
Comprenne qui pourra.
Francis Stuck

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